Reprise d’entreprise en difficulté : la procédure à respecter

Reprendre une entreprise en difficulté peut être une opportunité pour un repreneur de racheter une entreprise à prix réduit afin de la sauver de la liquidation judiciaire. Bien évidemment, cela implique que le repreneur ait toutes les qualités nécessaires ainsi que les ressources financières suffisantes pour redresser une entreprise en difficulté. De plus, il est rare qu’un seul repreneur soit en lice pour racheter une entreprise en redressement judiciaire. Dès lors, quelle est la procédure à suivre pour faire une offre de reprise ? Une fois l’offre déposée, un repreneur peut-il retirer son offre ? Comment est réalisée une cession d’une entreprise en difficulté ? Réponses dans cet article…

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Une entreprise en redressement ou en liquidation judiciaire ?

Pour rappel, une entreprise présentant des difficultés financières peut être mise en vente dans le cadre d’une procédure collective que lorsqu’il s’agit d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire.

Dans le cas d’un redressement judiciaire, il est bon de rappeler qu’une cession n’est pas l’objectif prioritaire. La cession ne sera envisageable que lorsque le juge rejette le plan de redressement soumis par l’administrateur judiciaire. En d’autres termes, une cession d’une entreprise en redressement judiciaire n’est envisageable que lorsque le chef d’entreprise actuel n’a plus les capacités de sauver son entreprise. Il peut donc s’agir ici d’une cession complète aux mains d’un repreneur. Bien évidement, dans pareil cas le prix de la cession sera bien souvent plus attractif que lors d’une cession hors procédures collectives.

Lorsqu’une entreprise est en liquidation, la cession complète de l’entreprise n’est plus envisageable.  L’entreprise dans son existence juridique ne peut plus être sauvée, cependant les actifs restants peuvent être cédés à un repreneur. Parmi les actifs proposés à la cession figurent bien souvent les locaux, les outils de production… Un repreneur peut donc là aussi trouver son intérêt à reprendre les actifs d’une entreprise en liquidation pour les faire fructifier auprès de sa propre entreprise.

Où trouver les offres de cession d’entreprises en difficulté ?

Lors d’une cession classique, un chef d’entreprise souhaite généralement réaliser une belle plus-value en vendant son entreprise. Il a dès lors tout intérêt à faire de la publicité sur l’offre de cession pour choisir le repreneur qui lui proposera la meilleure offre.

Dans le cadre d’une entreprise en difficulté, le chef d’entreprise subit un redressement ou une liquidation judiciaire. Ces procédures collectives sont strictement encadrées. Par conséquent, une cession d’actifs d’une entreprise en redressement ou en liquidation sera également encadrée.

Tout potentiel repreneur qui souhaite investir dans une entreprise à sauver peut ainsi consulter des offres de cession en ligne sur des sites spécialisés dans ce domaine tels que :

  • le site du Conseil national des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires (CNAJMJ) ;
  • le site de l’Association syndicale professionnelle d’administrateurs judiciaires ( ASPAJ) ;
  • le site Infogreffe ;

À noter que la reprise d’une entreprise en difficulté est un défi plus difficile à relever pour le repreneur que si ce dernier rachetait une entreprise in bonis, c’est-à-dire en pleine croissance. Par conséquent, avant de déposer une offre de reprise, un potentiel repreneur a tout intérêt à s’entourer de conseillers professionnels dans ce domaine afin de faire un tri préalable sur les offres de cession qui pourraient correspondre au projet du repreneur.

Comment évaluer une offre de cession ?

Avant de faire une offre, un repreneur doit bien évidemment prendre le temps nécessaire d’étudier la situation économique de l’entreprise en difficulté. Dans le cadre d’une cession classique, le dirigeant de l’entreprise réalise bien souvent un dossier complet dans lequel il présente les comptes annuels de son activité, l’état de l’actif et du passif, les contrats en cours, les opportunités à venir, etc.

Lorsqu’un chef d’entreprise doit faire face au redressement ou à la liquidation de son entreprise, ce dernier ne présentera pas la même énergie ni la même motivation à exposer tout le potentiel de son entreprise.

C’est donc l’administrateur judiciaire en charge du redressement ou de la liquidation qui communique aux repreneurs intéressés les éléments essentiels concernant l’entreprise.

Lorsqu’un repreneur est intéressé par une offre de cession d’une entreprise, il peut demander à avoir accès à toutes les informations concernant l’entreprise à céder auprès de l’administrateur judiciaire. Au préalable, un repreneur devra signer un engagement de confidentialité concernant les informations qui lui seront mises à disposition. Le repreneur aura ensuite accès à ce que l’on appelle dans le jargon la « data room ». Cette « data room » prend bien souvent la forme d’un partage de documents en ligne concernant les bilans comptables de l’entreprise, l’état de son actif et de son passif, sa masse salariale, les contrats commerciaux en cours, etc.

À ce stade, il est vivement conseillé à un repreneur de s’entourer d’un avocat, d’un expert-comptable ou de tout autre conseiller dans ce domaine pour évaluer les ressources nécessaires à la sauvegarde de l’entreprise. La juste estimation des ressources à mobiliser pour reprendre une entreprise est également une étape importante pour fixer un prix à une offre de cession.

Comment faire une offre de reprise d’une entreprise en difficulté ?

Tout repreneur doit garder à l’esprit que c’est l’administrateur judiciaire dans cette situation qui est son interlocuteur privilégié. Concernant l’offre en elle-même, cette dernière devra notamment contenir :

  • la description des biens que le repreneur souhaite racheter ;
  • la nomination des droits, des contrats de travail et des contrats commerciaux que le repreneur souhaite reprendre à son actif ;
  • les projets du repreneur pour sauver l’entreprise et la faire prospérer avec la description des moyens et des ressources qu’il souhaite mobiliser pour cela ;
  • le prix offert pour racheter l’entreprise ;
  • les modalités de règlement envisagées ;
  • les garanties offertes pour la réalisation de ce projet de cession ;

Si un repreneur fait parvenir une offre de cession incomplète, celle-ci ne sera pas rejetée pour autant. L’administrateur judiciaire en charge du dossier pourra revenir vers le repreneur en lui signifiant les informations manquantes dans son offre. Le repreneur pourra ainsi compléter son offre dans le délai imparti.

Quel est le délai imparti pour faire une offre ?

Le Code du commerce ne prévoit pas de délai strict concernant la période durant laquelle les repreneurs peuvent déposer leur offre. Ce dernier prévoit seulement un délai de 15 jours entre la fin de la période de réception des offres et le début de l’audience devant statuer sur l’offre retenue. Ces 15 jours ont pour objectif de laisser le temps à l’administrateur judiciaire de vérifier que toutes les offres sont recevables et d’établir son rapport sur cette phase de réception des offres des repreneurs.

Par conséquent, c’est également l’administrateur judiciaire qui fixe une date de limite de dépôt des offres de reprise. Cette date limite est affichée dans l’offre de reprise. Une fois la date dépassée, l’administrateur judiciaire n’ait pas tenu d’accepter de nouvelles offres. Cependant, tout repreneur ayant déposé une offre dans le délai imparti est libre de l’améliorer après ce délai, et ce jusqu’à 2 jours avant la date de l’audience.

Un repreneur peut-il modifier ou retirer son offre ?

Un potentiel repreneur sous l’excitation de faire une bonne affaire peut déposer une offre de reprise pour ensuite se rendre compte qu’il ne souhaite plus se positionner sur cette cession. Cependant, dans ce cas il vaut mieux réfléchir à 2 fois avant de déposer une offre de reprise, car un repreneur ne peut pas retirer son offre !

L’offre ne peut être que modifiée une fois reçue par l’administrateur judiciaire. Si un repreneur souhaite la modifier pour la rendre moins attrayante en espérant ainsi échapper à une reprise forcée, il sera là encore fortement déçu. En effet, une offre ne peut être modifiée qu’à des fins d’amélioration uniquement. En d’autres termes, un repreneur ne peut modifier son offre que pour proposer un prix plus élevé, un maintien des contrats de travail plus important, etc.

C’est notamment pour cette raison qu’un repreneur a tout intérêt à s’entourer d’un ou de plusieurs conseillers afin de prendre toute la mesure de l’offre qu’il s’apprête à déposer.

Qui peut faire une offre ?

Tout repreneur estimant avoir les capacités de reprendre une entreprise en difficulté peut faire une offre. Cependant, certaines restrictions sont posées sur la personne du repreneur pour éviter que le chef d’entreprise devant faire face à la cession de son entreprise ne rachète indirectement son entreprise.

En effet, à ce stade l’objectif est de sauver les actifs de l’entreprise, maintenir le plus possible de contrats de travail et d’apurer le passif. Cette procédure de cession n’a donc pas vocation de permettre au chef d’entreprise de racheter son entreprise alors que le redressement de l’entreprise entre ses mains a déjà échoué.

C’est notamment pour cette raison que le ou les dirigeants de l’entreprise à céder, leurs ascendants, leurs descendants, leurs frères et sœurs ainsi que leurs alliés ne peuvent se porter repreneur de l’entreprise. Sur ce point, le tribunal effectuera les contrôles nécessaires.

En dehors de cette incapacité, un repreneur doit également présenter les qualités et aptitudes communément exigées pour tous les repreneurs, que ce soit pour racheter une entreprise in bonis ou une entreprise en redressement judiciaire.

Qui choisit le repreneur ?

Contrairement à une cession d’entreprise classique, ici ce n’est pas le dirigeant de l’entrepreneur qui choisit in fine son repreneur. À ce stade le dirigeant n’a pas su redresser la situation économique de son entreprise, par conséquent il est dessaisi d’un certain nombre de ses prérogatives au profit de l’administrateur judiciaire et du tribunal de commerce compétent.

Pour une cession d’une entreprise en difficulté, ce sera donc le tribunal de commerce saisi du dossier qui devra choisir le repreneur parmi toutes les offres de reprise remises à l’administrateur judiciaire dans le délai imparti. Cette décision sera prise lors d’une audience en présence :

  • du dirigeant de l’entreprise faisant l’objet de la cession ;
  • de l’administrateur judiciaire en charge du dossier ;
  • du mandataire judiciaire qui vient en représentation des créanciers de l’entreprise ;
  • du représentant des salariés.

En soi, les repreneurs n’ont pas l’obligation d’être présents le jour de l’audience. En effet, ces derniers ont exprimé dans leur offre leur projet de reprise pour cette entreprise. Par conséquent, le juge statuant sur ce dossier n’est pas tenu d’auditionner les repreneurs. Le juge reste cependant libre d’entendre un ou plusieurs repreneurs afin de détailler certains points importants de leur offre. Il reste donc conseillé aux repreneurs de faire le déplacement pour être présent le jour de l’audience.

Le repreneur choisi peut-il se désister après le jugement ?

Le repreneur choisi par le tribunal agit ici en qualité de professionnel. Il ne peut donc bénéficier d’aucun droit de rétractation si c’est son offre de reprise qui est acceptée par le tribunal.

Si après l’audience le repreneur choisi par le tribunal ne souhaite plus reprendre l’entreprise, le tribunal a tout pouvoir de demander une exécution forcée de la cession avec tous les effets qui y sont attachés. En outre, le repreneur ne pourra pas non plus dénoncer des vices cachés pour se désengager de son offre de reprise.

Faire une offre de reprise d’une entreprise en difficulté est donc un acte tout sauf anodin. Les conseils avisés d’un conseiller professionnel dans ce domaine sont donc précieux pour le repreneur afin d’évaluer les risques et les réelles opportunités que représente la reprise de telle ou telle entreprise en difficulté.