Comment accompagner le repreneur de son entreprise ?

Laisser les rênes de son entreprise à un repreneur peut être une étape délicate pour un chef d’entreprise. En effet, entre l’envie de prendre sa retraite ou de réaliser un autre projet professionnel et l’espoir de voir son entreprise prospérer entre de bonnes mains, il n’est pas toujours facile de passer à autre chose une fois le contrat de cession signé.

Un repreneur de son côté peut avoir certaines craintes de ne pas être à la hauteur et d’avoir des difficultés à cerner rapidement tous les enjeux que revêt la gestion de telle entreprise. Pour faciliter cette transition, la législation prévoit différentes possibilités d’accompagnement du repreneur par le cédant. Voici lesquelles…

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Devenir salarié conseiller du repreneur

Si le repreneur d’une entreprise souhaite bénéficier de l’expertise du cédant de manière régulière et contractualisée, ce dernier peut proposer un contrat de travail au cédant. Bien évidemment, dans ce cas il ne s’agira pas forcément de proposer une reconversion professionnelle à l’ancien chef d’entreprise. Ce dernier aura généralement un autre objectif que de devenir le conseiller du repreneur de son entreprise. Néanmoins, le temps de la transition, repreneur comme cédant peuvent y trouver un intérêt.

Pour le repreneur, les avantages à recruter le cédant en tant que conseiller sont :

  • de bénéficier de toute l’expertise du cédant qui connaît mieux que personne le fonctionnement de l’entreprise et ses enjeux ;
  • de contractualiser cette relation afin de se prémunir de toute rupture anticipée pouvant laisser le repreneur dans une situation déstabilisante ;
  • de renforcer le lien de confiance avec les autres salariés et les fournisseurs de l’entreprise qui apprécieront d’avoir un nouvel interlocuteur collaborant durant la phase de transition avec l’ancien chef d’entreprise.

Pour le cédant, les avantages à devenir un conseiller du repreneur sous le statut de salarié sont :

  • d’avoir une source de revenus complémentaire le temps de finaliser un autre projet professionnel ou de prendre définitivement sa retraite ;
  • de s’assurer que l’entreprise à laquelle il a donné tant d’énergie est entre de bonnes mains avec un repreneur qui accepte ses conseils pour une transition en douceur ;
  • d’envisager plus sereinement la cession de son entreprise avec une étape intermédiaire de conseiller avant de quitter définitivement les locaux de son entreprise.

Dans ce cas, le contrat de travail n’a pas vocation à être un contrat à durée indéterminé (CDI). Il s’agira bien souvent d’un CDD de quelques mois, le temps pour le repreneur d’apprendre toutes les ficelles de son nouveau métier avec l’ancien chef d’entreprise. Un contrat de travail devra néanmoins être rédigé. Les effets attachés à un contrat de travail seront également applicables, comme le paiement de charges sociales salariales et patronales. De plus, dans le cadre d’un contrat de travail le cédant devenu conseiller devra percevoir une rémunération. Nous verrons par la suite que la rémunération du cédant n’est pas obligatoire pour tous les types de contrats.

Proposer une prestation de conseil en tant que travailleur indépendant

Un chef d’entreprise souhaitant accompagner le repreneur de son entreprise en toute indépendance peut également choisir de devenir conseiller en tant que travailleur indépendant. Pour cela, le cédant devra créer une entreprise pour exercer cette activité professionnelle en tant que travailleur indépendant. Il peut ainsi choisir de devenir à cette occasion micro-entrepreneur, associé unique d’une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, etc.

À noter que ce choix d’exercer en tant que travailleur indépendant peut amener certaines difficultés comparé à un contrat de travail classique. Tout d’abord, en tant que travailleur indépendant l’ancien chef d’entreprise ne peut pas réaliser son chiffre d’affaires uniquement sur la prestation de conseil rémunérée par le repreneur de son entreprise. Pour rappel, un travailleur indépendant doit pouvoir proposer sa prestation auprès de plusieurs clients. Lorsqu’un travailleur indépendant exerce une activité professionnelle auprès d’un seul client, le juge pourra requalifier ce contrat de prestation en contrat de travail. Par conséquent, le choix d’accompagner le repreneur de son entreprise en tant que conseiller indépendant sera opportun si le cédant souhaite exercer une activité de conseiller auprès du repreneur de son entreprise, mais également auprès d’autres chefs d’entreprise.

En dehors de ce possible risque de requalification en contrat de travail, un contrat de prestation en tant que travailleur indépendant présente également son lot d’avantages, aussi bien pour le cédant que pour le repreneur.

Pour le repreneur, faire appel à l’ancien dirigeant de son entreprise en tant que conseiller sous le statut de travailleur indépendant permet :

  • de ne pas être contraint par un contrat de travail quant aux modalités d’exécution de la prestation de conseil ;
  • de négocier librement la rémunération de l’ancien chef d’entreprise en tant que conseiller ;
  • de ne pas payer de charges sociales sur les prestations de conseil du cédant qui exerce en tant que travailleur indépendant.

Pour le cédant reconverti un temps en conseiller, celui-ci y trouve également son intérêt, car :

  • il reste indépendant et autonome vis-à-vis du repreneur de son entreprise ;
  • il peut librement organiser son emploi du temps en partageant son activité de conseil avec d’autres projets professionnels ;
  • il bénéficie d’un cadre contractuel lui permettant de sécuriser sa prestation de conseil quant à sa rémunération et ses domaines d’intervention.

Une fois que le repreneur et le cédant estiment que la période de conseil touche à sa fin, ces derniers peuvent mettre fin à leur relation d’un commun accord. Pour le repreneur, il n’y aura aucune démarche particulière à effectuer. L’ancien chef d’entreprise devenu consultant devra quant à lui soit fermer son entreprise individuelle s’il souhaite mettre fin à son activité de conseiller, soit continuer cette activité s’il le souhaite auprès d’autres chefs d’entreprise.

Devenir tuteur du repreneur avec une convention de tutorat

Comme vu précédemment, le contrat de travail tout comme le contrat de prestation ne sont pas toujours adaptés pour contractualiser une prestation de conseil entre un cédant et un repreneur d’une entreprise. Pour pallier à cela, la loi prévoit également la possibilité de signer une convention de tutorat entre l’ancien et le nouveau chef d’entreprise.

Comme son nom l’indique, une convention de tutorat a pour objet de contractualiser une relation de tutorat entre l’ancien dirigeant et le nouveau dirigeant d’une entreprise. Une convention de tutorat peut être établie lors de la cession de tout type d’entreprise ayant une activité commerciale, artisanale ou de services. De plus, ce type de contrat peut aussi bien être conclu suite à une cession à titre onéreux (vente d’une entreprise) qu’une cession à titre gratuit (donation d’une entreprise).

Bien que largement ouverte à tout type d’entreprise, la convention de tutorat doit néanmoins respecter un certain nombre de conditions quant à son application.

Les principales conditions d’application d’une convention de tutorat sont :

  • une durée de tutorat d’au moins 2 mois sans toutefois dépasser 12 mois ;
  • la signature de la convention de tutorat au plus tard dans les 60 jours qui suivent l’acte de cession de l’entreprise ;
  • la description des prestations du tuteur à l’égard du repreneur (exemple : conseils sur la politique commerciale, mise en relation avec les principaux fournisseurs de l’entreprise, présentation de l’organisation interne de l’entreprise, etc.) ;
  • un accord commun sur le tarif de la prestation en cas de rémunération de l’ancien chef d’entreprise.

Dans ce cas particulier, le tuteur peut percevoir ou non une rétribution. L’ancien dirigeant et le nouveau dirigeant peuvent donc décider d’un commun accord de ne pas verser de rétribution à l’ancien dirigeant pour ses heures d’accompagnement et de conseil. Ce type de contrat permet donc au tuteur et au repreneur d’être libres de choisir un accompagnement succinct qui n’amène pas une rémunération ou au contraire une réelle prestation de services qui nécessite une rétribution.

Lorsque le tuteur perçoit une rétribution, ce dernier doit envoyer une copie de la convention de tutorat à la Caisse du régime social des indépendants. Dans ce cas, le tuteur sera considéré comme un travailleur indépendant qui doit cotiser à ce titre à la Sécurité sociale des indépendants (SSI) pour l’assurance-maladie et pour le régime des retraites. La négociation portant sur la rétribution devra donc prendre en compte le paiement de ces charges sociales par le tuteur. L’avantage pour le tuteur dans ce cas est de pouvoir continuer à valider des semestres pour sa retraite.

Si le tuteur et le repreneur souhaitent uniquement entretenir une relation de tutorat basée sur quelques heures d’accompagnement et de conseils, ces derniers peuvent opter pour une convention de tutorat de quelques semaines seulement à titre bénévole pour le tuteur. Rédiger une convention de tutorat dans ce cas reste tout de même conseillé afin de prévoir l’étendue de la mission de conseil du tuteur ainsi que sa durée. Sans rétribution, le tuteur n’aura pas à être affilié à la Sécurité sociale des indépendants à ce titre.

À noter que lorsque l’ancien dirigeant de l’entreprise cède son entreprise pour partir en retraite, ce dernier peut décider de devenir le tuteur du repreneur sans être obligé de liquider ses droits à la retraite. Cette situation est notamment avantageuse lorsque le tuteur est rémunéré. Dans ce cas, les quelques semaines ou quelques mois pendant lesquels l’ancien dirigeant exerce une activité rémunérée en tant que tuteur seront comptabilisés pour ses droits à la retraite. Une fois la convention de tutorat arrivée à son terme, le tuteur pourra pleinement profiter de sa retraite en ayant cotisé jusqu’à la fin pour ses droits à la retraite.

Dans tous les cas, accompagner le repreneur de son entreprise s’anticipe bien en amont de l’acte de cession. Selon la difficulté à reprendre une entreprise, le cédant pourra donc proposer son accompagnement et ses conseils durant la phase de négociation pour la cession de l’entreprise. L’ancien chef d’entreprise et son repreneur pourront ainsi réfléchir en amont au type de contrat le plus adapté à la relation qu’ils souhaitent entretenir le temps de cette phase de transition. La convention de tutorat à ce titre reste la forme de contrat privilégiée de par ses conditions d’application adaptées à une mission de conseil temporaire dans le cadre d’une cession d’entreprise.